The wind of change

Publié le par Mamzelle Snouc

Après presque 2 ans au sein de ma petite clinique de quartier, j'ai ressenti le besoin de changer. D'accord, quelques mouvements sociaux et des réactions maladroites de notre direction d'alors ont aussi beaucoup aidé à prendre ma décision.
Je pose ma démission, insensible  aux sirènes que me propose le nouveau DRH fraîchement émoulu de son école et je me mets en quête du poste qui va me relancer. A l'époque, j'accueille dans mon appartement ma petite sœur qui a besoin de souffler suite à une rupture sentimentale. Elle est abasourdie par ma décision et me traite d'inconsciente quand je lui annonce que je n'ai pas encore envoyé de CV.
C'est vrai qu'à cette époque, et encore aujourd'hui, le chômage infirmier fait sourire. Je postule dans le CHU de X, à deux pas de chez moi, pour un poste mal aimé, celui de volante. De plus, l'hôpital a du mal à recruter et envisage de fermer des services pour pallier au manque de personnel.
Etre volante, c'est l'intérimaire de l'hôpital, avec un statut de salarié. On remplace au pied levé les absences, qu'elles soient programmées (congés annuels, formations) ou pas (arrêts maladie, panne d'oreiller). Après deux entretiens qui me donnent un goût amer dans la bouche ("Ramenez votre livret scolaire du lycée et de l'IFSI "!!!!), je suis reçue par la Générale (Directrice des Soins Infirmiers) qui commence par me dire : "C'est vraiment dommage que vous vous soyez enterrée pendant deux ans en gérontologie ". Là, on va pas être copines. Les préjugés, j'en ai eu ma dose, mais qu'un professionnel, de surcroît une responsable de cet acabit, ose avoir cet état d'esprit envers un poste qui m'a tout appris et a fait de moi une personne autonome et sensible, c'était trop.

Je reçois alors un appel d'une ancienne surveillante qui a entendu parler de mon départ à la clinique et qui me propose un poste dans sa nouvelle structure. J'y cours. Ce sera Chirurgie viscérale, dans une nouvelle équipe, dans une nouvelle ville, Y.

Deux mois plus tard, vendredi soir, 17h30 :
"Bonsoir, c'est le CHU de X. Nous vous informons que votre candidature a été acceptée. Veuillez vous présenter lundi à 6h30 pour obtenir votre trousseau.
- Désolée, je n'ai pas pu vous attendre, j'ai un poste ailleurs."

Quelques mois plus tard, j'apprendrai que le directeur du CHU sera mis en examen pour détournement de fonds.

Toutefois, mon nouveau poste ne me satisfait pas.
Il y a de l'action, d'accord. Mais l'atmosphère de copinage et de dénigrement systématique commence vite à me porter sur les nerfs. L'équipe n'a pas eu de cadre de santé de puis 7 ans, et ça se sent. L'équipe d'origine a pris le pouvoir. Deux infirmières et trois aides-soignantes donnent le La à tout le monde, y compris aux chirurgiens. Le fonctionnement est antédiluvien: WE travaillés en amplitudes de 14h30, les pancartes trônent encore au pied des lits (merci la confidentialité), la "grande visite" chirurgicale commence à 7h30, patients lavés, lits faits et pansements sur champs stériles. Aucun respect du patient, c'est le respect de l'horaire qui prime. Je me fais régulièrement humilier au lit du malade par une anesthésiste qui fait partie du clan et qui me hait, parce que je ne réagis pas comme elle le voudrait : en pleurs et fuyant à toutes jambes.

Le cadre de santé, un peu jeune, ne voit rien de tout cela, car elle est engluée dans les problèmes administratifs qui se sont accumulés depuis plusieurs trimestres et en plus, elle doit introduire le dossier personnalisé du patient (avec dix ans de retard sur la législation) ce qui fait grincer des dents toute la vieille équipe. J'ai beau la prévenir, elle sous-estime l'influence du harcèlement quotidien que nous, nouvelles arrivées, subissons.

Je prends la décision de partir le jour où je me suis rendu compte que je me cachais dans les toilettes pour ne plus croiser mon équipe. Nous serons quatre à poser notre démission en moins de quatre mois. Le seul à me soutenir sera le chef de service de l'anesthésie qui me voit régulièrement le WE. Il me propose un appartement plus près, de négocier mon salaire, mais rien n'y fait : en plus de leur fonctionnement pitoyable, je n'aime pas leurs valeurs. Je n'aime pas qu'on traite les gens comme du bétail, je n'aime pas qu'on leur mente :
"non, ce n'est pas un cancer, mais oui, vous pourrez remarcher un jour, mais oui, votre colostomie est provisoire."


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